Paul Menu dans les pas de son père

Paul Menu. 74 ans. Ancien chirurgien cardiaque au CHU de Poitiers. Vient de commettre un livre baptisé En marchant avec mon père, Michel Menu. Un hommage au fondateur des Goums, ces marches spirituelles dans le désert, autant qu’un appel à revenir à l’essentiel.

Arnault Varanne

Le7.info

Trois de ses quatre grands-parents ont atteint l’âge quasi canonique de 98 ans. Et son propre père a quitté la terre ferme à 96 printemps. Alors, non, Paul Menu n’a « pas de problème avec le temps qui passe » et se refuse à regarder dans le rétro. Son horizon de retraité hyperactif est aussi dégagé qu’un lever de soleil sur le plateau du Larzac. L’ancien chirurgien cardiaque du CHU de Poitiers esquisse un sourire à l’heure d’évoquer le fameux désert des Causses. Il le raconte par le menu dans son dernier livre, En marchant avec mon père, Michel Menu. Au nom du père, de celui qui, en 1969, a créé les raids goums. Le principe ? Sept jours de marche en groupe sans téléphone ni montre, une djellaba sur le dos avec le silence pour seul compagnon. « Dans le dénuement et sans préjugés. » Ou comment cheminer au sens propre comme au figuré, à égalité ou presque sur la ligne de départ. « Non pas pour réfléchir sur quel est le sens de la vie, mais quel est le sens de ma vie », insiste-t-il. En plus d’un demi-siècle, près de 10 000 personnes auraient mené cette expérience initiatique.

Disciple 
du Professeur Cabrol

A celles et ceux qui ont pu trouver en Michel Menu un « chef charismatique, solitaire et parfois borné », son fils démontre dans l’ouvrage qu’il était aussi 
« un homme sensible et profondément attachant », capable de connaître par cœur les prénoms de tous les raiders. L’auteur réfute le terme de réhabilitation, reste l’hommage à ce grand résistant, fait prisonnier par les Allemands, évadé trois fois, dont la soif de liberté ne s’est, au fond, jamais étanchée. Paul Menu marche dans ses pas -4 000km au compteur de sa montre de sport-, lui le quatrième d’une fratrie de cinq, qui honnit la guerre et les armes. « Je me suis retrouvé en 1973 au Liban à soigner des blessés au napalm, je sais quels dégâts provoquent les conflits », soupire l’ancien interne du Professeur Christian Cabrol, à la Pitié-Salpêtrière, à Paris, considéré comme le précurseur de la chirurgie cardiaque.

Au cours de sa carrière, le médecin a opéré environ 
10 000 patients. « Avec un taux de mortalité de 2,5%, ça fait environ 100 personnes dans un état très grave et pour lesquels je ne pouvais rien faire. Je pense souvent aux 150 autres, plus qu’aux autres qui vont bien. L’échec vous fait bien plus avancer dans la vie que la réussite. » 
Si la marche est une école du dépouillement, la médecine est celle de l’humilité. Après la fin de sa carrière au CHU de Poitiers, le père de quatre enfants et grand-père d’autant de petits-enfants a poursuivi son activité à travers le monde, via La Chaîne de l’espoir. L’ONG intervient dans vingt-huit pays à travers le monde pour soigner et opérer les enfants nécessiteux. A chaque séjour à l’étranger ses images chocs, ses leçons. 
« Quand on va au Cambodge, au Mozambique ou au Burkina, on voit des gens pauvres, mais pas avec un petit « p ». Ça force à réfléchir à sa propre condition. »

Une boussole conservée précieusement

Le septuagénaire ne veut pas jouer les pères la morale. A son niveau, il s’efforce en tout cas d’agir, sur la santé de ses contemporains d’abord. Il siège à la commission médicale du Comité national olympique et sportif français, est un membre actif de la Fédération française de cardiologie, promeut le sport-santé, notamment chez les plus jeunes... Au fond, tout se recoupe. « La société actuelle est bourrée de stimuli addictifs (réseaux sociaux, télé, alcool, tabac). Et on ne prend plus le temps de réfléchir... » La voilà la première entrave à la liberté, à égalité avec le manque d’activité physique qui transforme la sédentarité en bombe à retardement.

Mais Paul Menu est un optimiste par nature, plus préoccupé à conter et montrer la beauté du monde à ses petits-enfants qu’à leur dépeindre son extinction progressive. Encore un héritage paternel. La boussole dont il se servait lors de ses évasions en 1940 indique toujours le Nord et « permet de savoir où aller, avec qui et vers quoi ».

En marchant avec mon père, Michel Menu - Editions 
Baudelaire - 170 pages - 14€.

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