Après les attentats du 13 novembre, notre confrère Jean-Philippe Gautier (Chérie FM) a éprouvé le besoin d’écrire. De raconter sa joie de vivre une soirée au Confort Moderne, en pensant très fort au Bataclan. Son récit…

Arnault Varanne

Le7.info

Le Bataclan. La salle de concert a été attaquée un vendredi soir, à Paris, par des terroristes. Cette nuit-là, la terreur et la sidération nous ont figés. 89 morts. Elles, ils étaient venus s'éclater et fêter la fin de la semaine.

Après l'effroi, j'ai eu envie d'écrire. Je n'arrive pas à parler. Je veux écrire une déclaration d'amour, parler musique et concerts. Ma vie sans musique n'a pas de sens. Une salle de concert est une ouverture sur le monde. « Il faut aimer à tort et à travers » ces lieux de cultures. Ils sont des détours légers, ils nous réenchantent l'âme.

A Poitiers, j'aime le Confort Moderne. Là où le partage devient naturel. La salle de concert poitevine vit, danse et transpire depuis trente ans. Une association, L’Oreille Est Hardie, a mis de la musique dans une friche industrielle, au début des années 80. Le plaisir et la liberté d'être au spectacle vivant vont ancrer le Confort Moderne dans la ville.

Venez, entrons ! Nous passons d'abord par la cour. Les soirs de concerts, elle est ouverte sur les étoiles. A peine un pied sur le goudron usé par les baskets et les Doc Martens que je vois des visages connus et rassurants. Clope et verre à la main, nous nous racontons notre semaine, nos galères, nos amours et nos boulots. Poussons la porte pour entrer dans le bâtiment. Un léger brouhaha caresse nos oreilles. Il invite à la fête, les voix ne sont que des sourires.

Dans ce sas, face à nous, se tient le bar. Un grand bar noir en arc de cercle qui nous tend ses bras pour commander des bières et des cognacs. « Laisse, c'est ma tournée » doit être ma phrase préférée de la langue française. On fraternise avant le début du concert. On entend :

« J'ai l'affiche de Sonic Youth accrochée dans mon salon, il est passé au Confort. »
« Classieux, comme disait Gainsbourg. »
« Tu sais que Cure est passé en 81 ! »
« J'étais pas né... »


Puis le bar se vide quand résonnent les premiers riffs de guitare. Les musiciens sont sur la scène. Avant de pousser la porte, on tend son billet et on vous tamponne le poignet. La salle est petite mais confortable. Mon pote me dit : « Viens, on s'approche. J'aime bien être devant, j'ai l'impression de jouer sur scène. »

Les mains se lèvent dans la semi-pénombre. La jolie fille à côté de moi commence à danser. Je me dis : « Tiens ! Nous sommes tous égaux devant une scène, mais pas pour la danse ! » Mon déhanché est calamiteux. Le public a les yeux rivés sur le groupe. Elle est là l'Egalité, dans cette volonté de partager les bonnes vibrations sans juger. Nous sommes au même niveau. Chacun est égoïste en cherchant son plaisir. Et nous attendons tous que la musique fasse chavirer le public. Que la foule devienne « Un ».

Le concert se termine avec un dernier rappel et nous sortons. « J'ai adoré le troisième morceau. Et t'as vu le bassiste comme il assure », s'enthousiasme mon ami en me tapant sur l'épaule. « C’est alors que mon verre s'est brisé comme un éclat de rire. »

 

 

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